Dans l’entretien accordé à El Watan, le secrétaire général du Haut-Commissariat à l’amazighité (HCA), Si El Hachemi Assad, revient sur la décision du ministère de l’Education  d’assurer une «progression certaine» de tamazight à travers le territoire national dès la rentrée scolaire prochaine 2023-2024. Il annonce, dans ce sillage, l’installation d’un groupe de travail mixte chargé d’examiner les mesures nécessaires à même de consolider l’enseignement de cette langue et de prendre en charge les problèmes qui entravent sa généralisation progressive. Il a été aussi décidé, en concertation avec le ministre de l’Education nationale, Abdelkrim Belabed, la rédaction d’un document portant directive ministérielle à l’effet de clarifier les modalités organisationnelles  liées à cet  enseignement, annonce M. Assad.

  • Le ministre de l’Education nationale, Abdelkrim Belabed, a annoncé, samedi, la généralisation de l’enseignement de tamazight à partir de l’année scolaire prochaine. Un commentaire ? 

Je dois vous préciser que cette décision est la résultante des travaux de la rencontre nationale  des Directeurs  de l’Education nationale (DE) qui s’est tenue les 18 et 19 mars 2023. Le HCA a pris part, pour la première fois, à ce genre de rencontre prospective centrée sur la rentrée scolaire 2023/2024, et a contribué efficacement dans un atelier dédié spécialement à l’enseignement-apprentissage de la langue amazighe. A ce titre, nous mesurons à sa juste valeur cette approche  participative qui confirme la vision  nouvelle et éclairée  du ministre  de l’Education nationale M. Abdelhakim Belabed, qui vient en appoint pour renforcer les efforts déployés pour la réussite de  l’enseignement  de tamazight et sa prise en charge efficiente  sur tout le  territoire national.

Vous me donnez l’occasion pour confirmer que l’enseignement de tamazight dans le système éducatif national a connu une évolution quantitative et qualitative appréciable. Il faut souligner que les efforts de l’Etat sont couronnés par l’enregistrement d’une courbe progressive ascendante du nombre d’élèves et d’enseignants d’année en année. Les statistiques que nous rendrons publiques prochainement confirment cette évolution positive définie et chiffrée, sur la base des analyses effectuées, en sériant les options stratégiques pour atteindre les objectifs pédagogiques visés, notamment en matière de conception des outils pédagogiques et du matériel didactique en direction de deux types de publics scolarisés : le public amazighophone et le public non-amazighophone.

  • Belabed s’est engagé, en janvier dernier, à l’occasion de votre rencontre consultative, à prendre en charge les problèmes posés par votre institution (entraves à la généralisation de l’enseignement de cette langue dans les wilayas). Qu’en est-il de cet engagement ?

Oui, lors de notre dernière rencontre de travail et de concertation avec le ministre de l’Education nationale, le 15 janvier 2023, nous avons mis l’accent sur la nécessité de renforcer le partenariat existant entre le Haut-Commissariat à l’amazighité et le ministère de l’Education nationale. Dans le même sillage, nous avons installé un groupe de travail mixte chargé d’examiner les mesures nécessaires à même de consolider l’enseignement de tamazight et de prendre en charge certains problèmes qui entravent le processus de généralisation progressive au niveau des établissements d’enseignement dans certaines wilayas. 

Nous avons beaucoup avancé depuis et, pour preuve, cette dernière déclaration du ministre, qui consiste à confirmer la décision d’assurer une progression certaine de tamazight à travers le territoire national dès la rentrée scolaire prochaine 2023-2024. Ajoutons à cela la rédaction d’un document portant directive ministérielle pour solutionner les différents problèmes pédagogiques et administratifs liés à la stratégie de généralisation de l’enseignement de tamazight et  ce, à l’effet de clarifier les modalités organisationnelles  liées à cet  enseignement dès la rentrée scolaire 2023/2024. Actuellement, on dénombre 48 wilayas qui sont concernées par cet enseignement et nous aspirons à atteindre, dès l’année prochaine, les 10 autres wilayas restantes pour ainsi traduire la dimension nationale de l’apprentissage de tamazight, tel qu’énoncé dans la Constitution de novembre 2020.

  • Justement, le HCA a, maintes fois, revendiqué l’amendement de la loi d’orientation sur l’Education nationale n° 08-04 concernant l’aspect facultatif de l’enseignement de tamazight. Qu’est-ce qui empêche la prise en charge de cette revendication devenue plus pressante après la reconnaissance de tamazight dans la Constitution ?  

Nous comprenons que le MEN doit se conformer aux textes législatifs et réglementaires en vigueur dans le secteur de l’Education nationale, mais à notre niveau, nous plaidons pour la révision de cette loi d’orientation de l’Education nationale (08-04 du 23 janvier 2008), car le verrou majeur réside dans cette contrainte de «demande sociale», tel que formulé dans l’article 34. Il est clair que cette disposition positionne tamazight comme matière facultative et, par conséquent, elle est en contradiction avec l’officialisation constitutionnelle de tamazight. A ce propos, nous avons pris l’initiative de demander aux hautes autorités de l’Etat habilitées à saisir la Cour constitutionnelle au sujet de la non-constitutionnalité de ladite loi d’orientation.

En attendant cette mise en conformité juridique, l’effort doit être concentré sur la conception d’un plan national de cet enseignement fixant les étapes d’une progression cohérente avec une planification pédagogique dans les différents cycles et à différents niveaux.

  • A l’issue de votre rencontre de janvier avec M. Belabed, il a été convenu l’organisation, avant les vacances scolaires, d’un colloque national sur les problèmes pédagogiques et administratifs liés à la stratégie de généralisation de l’enseignement de tamazight. Ce rendez-vous est-il toujours maintenu ?

Ce rendez-vous tel que pensé par le HCA a pris une autre forme. Il y a eu des échanges fructueux directs avec le ministre et nous nous sommes mis d’accord sur l’organisation efficace d’un atelier spécial dédié opérationnellement à l’enseignement de tamazight au lieu d’assises ou de colloque national. Ce rendez-vous tel que dit précédemment a eu lieu les 18 et 19 mars 2023 dans le cadre des travaux de la rencontre nationale  des Directeurs  de l’Education nationale (DE). Peu importe l’intitulé, pour nous, ce qui est important, c’est l’objectif à atteindre. L’ensemble des DE de wilaya ont reçu des directives et ont pris note de la nécessité de s’inscrire dans le sens de la volonté politique de l’Etat qui consiste à maintenir et consolider la généralisation de l’enseignement de tamazight.

  • Un accord de partenariat pour la promotion de la langue amazighe a été signé en 2015 avec le ministère de l’Education nationale. Une commission technique de suivi commune a été installée avec pour mission de «discuter d’observations relevées sur le terrain quant aux difficultés faisant obstacle à l’attractivité et l’avancée de l’enseignement de tamazight». Les travaux de la commission mixte ont été gelés. Pourquoi ? 

Parce que l’enseignement de tamazight constitue une première expression de la volonté de l’Etat de consacrer la place de cet attribut historique, identitaire et culturel fondamental de la personnalité de l’Algérien, le HCA travaille pour asseoir une démarche visant à généraliser l’enseignement-apprentissage de la langue amazighe dans le système éducatif et de formation. 

Cela ne peut se faire que dans une démarche de concertation et de collaboration avec le secteur concerné en l’occurrence le MEN. Ladite commission mixte ne s’étant plus réunie depuis la date du 8 juillet 2015, on doit revenir à l’évidence que c’est le cadre institutionnel idoine pour débattre des problèmes de fond par une approche fondée sur les données juridiques et les aspects pédagogiques en mesure de consolider qualitativement et quantitativement cet enseignement à travers tout le territoire national. L’objectif visé est de consolider les avancées de tamazight et d’approcher son enseignement de façon rationnelle, sans improvisation et sans surenchère de quelque nature que ce soit.

  • Ce cadre de concertation sera-t-il relancé ?

Maintenant, revenir au cadre de la commission mixte oui, nous le souhaitons, car le HCA demeure l’accompagnateur et le partenaire privilégié du MEN depuis l’introduction de tamazight à l’école en 1995. Mais le plus important est de consolider cette relation de partenariat en étant complémentaires pour appliquer une stratégie concertée et partagée, à même de penser la place et les fonctions de tamazight dans le cadre de la nouvelle politique linguistique et éducative, générée par les dispositions de la Constitution algérienne (2020).