L’écrivain de langue amazighe et précurseur du roman kabyle, Rachid Aliche, a eu droit, hier, à un vibrant hommage organisé par le comité de son village natal, Taguemount Azouz, en présence d’une foule nombreuse composée des membres de sa famille, de ses amis et des habitants de la région.
La commémoration a débuté avec un émouvant recueillement sur la tombe de ce militant de la cause berbère au cimetière du village où il repose depuis le 18 mars 2008. Devant l’assistance, le maire d’Aït Mahmoud et d’anciens compagnons de Rachid Aliche ont pris la parole pour témoigner de ce que fut l’auteur d’Asfel et de Faffa, son travail intellectuel et ses prises de positions en faveur de tamazight. “Convaincu par ses origines kabyles, Rachid n’a pas lésiné au cours de sa vie à offrir à cette langue et culture le meilleur de lui-même. Avec ses deux romans, Asfel en 1981 et Faffa en 1983, Rachid a apporté un nouveau souffle à cette culture menacée d’extinction, ses fils en proie à une acculturation certaine, menée par une idéologie arabo-baathiste des plus menaçantes”, dira, lors de son allocution, Slimane Alem, le maire d’Aït Mahmoud, pour qui le travail intellectuel de Rachid, ce militant qui figurait parmi les membres fondateurs du HCA à sa création, est plus qu’un acte militant, mais une incarnation d’une culture préservée. “Rachid a consacré sa vie à sortir tamazight du folklore. En ouvrant la voie à un travail pédagogique et académique, Rachid a refusé que tamazight devienne un objet de musée comme il a refusé sa transcription en caractères arabes”, dira Abdelmadjid Bali de l’ancien enseignant de langue berbère à Lyon, avant qu’il ne soit découvert par le grand public à travers ses émissions radio, telles qu’“Anar N Temlilit” qu’il animait avec Ben Mohamed, puis une émission pour enfants avec Arezki Graïne.
À travers son émission pour enfants qu’il animait en langue kabyle, Rachid Ath Moussa, comme on l’appelait familièrement à Taguemount Azouz, effectuait un travail de vulgarisation de tamazight auprès des enfants. “C’était un travail de semence qu’il effectuait, lui qui misait sur les enfants qui seront l’Algérie de demain”, disait encore de lui Abdelmadjid Bali, tout en rappelant les péripéties vécue par cette émission pour enfants qui a existé depuis les années 50, mais qui été supprimée, a-t-il expliqué, en 1970, sous la dictature et l’ostracisme culturel de Boumediène, pour n’être ressuscitée qu’en 1991 avec la voix de Rachid Aliche et d’Arezki Graïne. “Cette émission était devenue un danger pour le modèle de l’école choisie parce qu’elle s’adressait aux enfants, mais qui n’infantilisait pas l’enfant. Elle s’adressait à l’adulte en devenir. Même interdite pendant 20 ans, à son retour avec la voix de Rachid Aliche et celle d’Arezki Graïne, elle n’avait rien perdu de son âme, elle visait toujours à armer l’enfant de clés de la recherche et à lui donner le goût du savoir”, a expliqué Abdelmadjid Bali. Une émission grâce à laquelle le chanteur kabyle Mohamed Allaoua a appris le kabyle, lui qui ne connaissait pas un mot de cette langue, précise Arezki Graïne.
Lors de leurs interventions, Arezki Graïne et Dida Badi ont, pour leur part, rappelé avec bonheur que Rachid, l’élève de Mouloud Mammeri, a grandement participé à l’œuvre colossale de collecte du patrimoine musical et poétique des Berbères touareg dans la région de l’Ahaggar au profit de l’Onda, après la ratification de l’Algérie de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel. La commémoration d’hier a été également l’occasion pour Abdenour Abdeslam de lancer une pétition pour demander aux autorités de wilaya de baptiser une structure scolaire ou culturelle du nom de Rachid Aliche dans la ville de Tizi Ouzou.
Samir Leslous