Le Haut Commissariat à l’Amazighité (HCA) a honoré, dans la soirée de jeudi dernier à la bibliothèque principale de Béjaïa, Abdelhafid Idres, 72 ans, l’auteur du Grand dictionnaire amazigh, édité dans le cadre du centenaire de la naissance de Mouloud Mammeri, en 2017, aux éditions ENAG. Gros de presque deux mille pages, le dictionnaire bilingue, tamazight-français et français-tamazight, contient 65716 entrées (mots), collectés dans quatorze variantes de la langue amazighe. «C’est le fruit d’un travail de treize ans de recherche. Je l’ai fait pour les générations futures et pour tamazight», a déclaré Abdelhafid Idres lors de la cérémonie, à laquelle ont participé le SG du HCA, Si El Hachemi Assad, le wali par intérim et des enseignants et autres intervenants dans l’enseignement de la langue amazighe. «Je n’ai rien créé, j’ai pris des livres, des dictionnaires et j’ai trié. A chaque mot, j’ai mis sa référence», indique l’auteur. Le volumineux ouvrage porte, en son milieu, des pages, jaunes, qui citent, en effet, une longue liste d’ouvrages, nombreux et variés, d’auteurs et chercheurs dans le domaine, depuis Les Touareg du Nord d’Henri Duveyrier, datant de 1865, jusqu’au Lexique scientifique de Bouamara et Rabehi (2000), en passant par des ouvrages de Boulifa, Dallet, Hugh, Hend Sadi, Abdenour Abdeslam, Salem Chaker et d’autres. Nombreux sont les mots en usage dans la région bougiote, d’où est issu l’auteur, qui sont référencés dans l’ouvrage (sous le repère 47). «Ce terroir n’est hélas fouillé et bêché que superficiellement», reconnaît l’auteur en préambule de ce Grand dictionnaire, qui est une deuxième édition, enrichie, de la première parue en 2003. «Nos convictions, nos certitudes, notre foi en tamazight nous ont incités à œuvrer toute une vie dans ce vaste domaine dont nous ne sommes pas des spécialistes. Cette œuvre n’a pu être achevée que par la force du devoir que nous avons de sauvegarder la langue, la culture et l’identité amazighes guettées par l’érosion et l’extinction», écrit-il dans l’Avertissement. Pour Rachid Oulebsir, préfacier de l’ouvrage, celui-ci «participe dans une conjoncture marquée par l’officialisation de tamazight à l’effort national de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel amazigh dans toutes ses dimensions universelles». Pour l’auteur justement, ce dictionnaire bilingue est «universel», destiné au monde amazigh. La cérémonie de jeudi a permis au représentant de l’ENAG de remettre à l’auteur un chèque représentant ses droits d’auteur et à la direction de la culture de passer commande pour une quinzaine d’exemplaires. Petite commande, mais il est attendu que la commune et la bibliothèque principale en fassent de même. «La première édition de 2000 exemplaires est épuisée et on pense à une réédition», nous informe Si El Hachemi Assad. Depuis 2006, le HCA a opté pour la coédition. «On doit continuer sur cette lancée, parce que c’est la voie qui aboutit», ajoute le SG du HCA, pour qui le livre amazigh doit se vendre. «J’espère que la nouvelle génération reprendra le flambeau pour compléter le travail parce qu’il manque à ce dictionnaire beaucoup de mots», conclut Abdelhafid Idres, dont l’âge avancé n’est pas du tout un obstacle pour avoir des projets dont l’adaptation des fables de Slimane Azem et le prolongement encyclopédique à ce déjà volumineux dictionnaire.

Kamel Medjdoub El Watan du dimanche 3 juin 2018